D’une gestion industrielle des déchets à une valorisation de ressources en circuit court ?

En novembre 2013, l’institut Xerfi publiait une étude sur « le marché des déchets » en France. On y apprenait que :

  • le chiffre d’affaire 2011 de cette filière était d’un peu plus de 10 milliards (10 098) d’euros

  • 1814 entreprises, employant 63149 personnes, travaillaient pour cette filière

  • 2 « leaders »dominent ce marché : Veolia environnement et Suez environnement

  • la « production » 2009 de déchets était officiellement de 770 millions de tonnes.

Le marché, toujours selon cette étude, se structure autour d’une part de la collecte (ramassage et transports) des ordures ménagères et assimilé ainsi que d’autre part du traitement et de « l’élimination » des déchets.

Un schéma proposé dans l’étude distingue [à notre avis improprement] la valorisation (énergétique ou matière) du traitement (centre de tri, incinération, enfouissement, compostage, métanisation, recyclage, dé-pollution).

Le cadre du marché des déchets étant posé nous nous proposons :

  • d’étudier le concept des déchets

  • d’ouvrir quelques pistes de réflexions quant à un circuit court relocalisé du déchet

  • d’approfondir la piste de l’intermédiation entre entreprises productrices de déchets et associations consommatrices de déchets.

Le concept des déchets

Dans les textes

Les déchets sont définis par la directive 75/442/CE comme « toute substance ou tout objet dont le détenteur se défait ou a l’obligation de se défaire en vertu des dispositions nationales en vigueur; » (art 1 alinéa a.) «Usuellement, un déchet (détritus, ordure, résidu, etc.) désigne : la quantité perdue dans l’usage d’un produit, ce qui reste après l’utilisation. De nos jours, ce terme tend à désigner n’importe quel objet ou substance ayant subi une altération d’ordre physique, chimique, ou en tant qu’il est perçu, le destinant à l’élimination ou au recyclage.» Ce qu’est un déchet selon Wikipédia

Il existe plusieurs typologies. L’étude Xerfi 700 de nov. 2013 propose celle des déchets banals (triés/non triés), des déchets inertes organiques, et des déchets dangereux. L’Ademe propose 35 catégories. Couramment, on distingue les ordures ménagères et les déchets d’entreprises.

Pour les particuliers

Un particulier aura tendance à voir les déchets par le prisme de ses poubelles (dans l’hypothèse d’un tri sélectif) : verre – plastiques, papiers, cartons et métaux – « tout venant » incluant encore majoritairement les déchets alimentaires.

Pour l’immense majorité des ménages, les déchets cessent d’exister après qu’on les ait mis à la poubelle. En réalité, il y a une gestion des déchets et un circuit industriel global et mondialisé qui rapporte beaucoup d’argent à un nombre réduit d’entreprises. Il n’en a pas toujours été ainsi…

 

Un traitement du déchet en circuit court ?

Avant son « industrialisation », les déchets étaient gérés par des corporations constituées de biffins. Leur âge d’or est depuis longtemps passé. Assistera-t-on à un retour de petits acteurs de la revalorisation des déchets dans le cadre d’une économie circulaire relocalisée en circuit court ?

Pas sûr car :

  • les enjeux financiers sont importants et les acteurs actuels bien accrochés

  • les traitements des déchets notamment avec les DEEE se sont complexifiés.

  • les prix des produits neufs empêchent d’envisager une activité économique (de masse) éthique et viable de réparation

  • la gestion industrielle des déchets est perçue comme plus économique, plus professionnelle, plus moderne, plus efficace…. et seule apte à traiter nos déchets en masse.

Néanmoins, certains facteurs pourraient jouer en faveur d’une ou plusieurs formes de revalorisation de déchets sur le mode du circuit court. Petite liste non exhaustive sous forme d’interrogations.

  1. Le coût (pour les collectivités) sans cesse croissant des déchets financés notamment par une taxe sur les ordures ménagères mènera-t-il à l’abandon des grosses infrastructures payées sur fonds publics et exploitées par des acteurs privés ?
  2. Le contexte environnemental marqué par une pollution générale de notre environnement et la raréfaction des ressources entraînera-t-il un changement de paradigme incluant l’abandon d’une politique d’incinérateurs et d’usines TMB (traitement mécano biologique) ?
  3. L’environnement social dégradé conduira-t-il à la mise en place de formations de « revalorisateurs » et de dispositifs d’insertion professionnelle centrés sur la « revalorisation matière » de déchets ?
  4. Le mouvement de « l’open innovation », lié à une forme de réappropriation de moyens de production, rendra-t-il possible la réutilisation à une plus large échelle de ressources issues d’une économie circulaire ?
  5. L’intermédiation entre « producteurs » de biens de consommation en fin de vie et utilisateurs finaux sera-t-il une voie d’avenir ?

 

L’intermédiation entre « producteurs » de biens de consommation en fin de vie et utilisateurs finaux, une voie d’avenir ?

Nous avons quelques doutes sur le dernier point de l’intermédiation.

Une entreprise pour se débarrasser de ses produits en fin de vie et de ses déchets doit payer pour être en conformité avec la législation. Il existe toutefois, certains moyens légaux de « contournements ». Par ex. l’article 238 bis du code général des impôts qui permet sous certaines conditions de « défiscaliser ». Ainsi, si une entreprise trouve – par le biais d’une entreprise tierce – un organisme d’intérêt général [238 bis a.] ou une association d’utilité publique [238 bis b.] prêts à lui récupérer invendus et équipements en fin de vie, elle réduira ses coûts tout en communiquant sur son « acte gratuit » et sa solidarité. Si l’intention initiale du législateur est louable, c’est oublier qu’une association n’a souvent pas les mêmes moyens qu’une entreprise et qu’infine les déchets seront à la charge des collectivités.
Par ailleurs, croire en l’intermédiation [sur certains secteurs des déchets], c’est à notre avis, très largement sur estimer les capacités d’absorption des associations au regard des gisements potentiels de « dons » des entreprises souhaitant bénéficier des dispositions de l’article 238 bis du CGI.

Dernière interrogation, est-il prévu une assistance de l’intermédiaire du déchet à destination des associations ayant accepté une donation mais sans moyens pour se « débarraser » à leur tour de « l’objet en 2nde vie » ?

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InfoGnuEureka, de part son implication dans le « projet D3E » porté par Electrocycle, l’Asso D3E, a eu l’occasion de rencontrer beaucoup d’acteurs de l’économie sociale et solidaire. Certains restent dans la communication. D’autres sont dans le faire. Le cadre juridique ne facilite pas toujours les initiatives prometteuses et le soutien des collectivités publiques n’est que rarement au rendez-vous. Si certaines collectivités souhaitaient en savoir plus voire décidaient de s’inscrire dans une politique ambitieuse du zéro déchet et du zéro gaspillage en menant une expérimentation de terrain, qu’elles n’hésitent pas à nous contacter !

L’histoire a montré que dans les périodes difficiles, les déchets transformés en partie en ressources pouvaient être source de revenus et de mieux vivre. Sera-t-on se saisir de cette problématique par le biais du bien commun ou laissera-t-on une minorité d’acteurs capter et enclore cette potentielle ressource ?

le 23/06/2014
Mise à jour au 8/11/2014
CD