Le vendredi 29 avril 2016, au siège de la FPH, une dizaine de personnes représentants (ou pas) des structures entrepreneuriales étaient réunies, à l’initiative de la Présidente de Valeureux, Sybille, pour lancer une fabrique de communs numériques.
Après un tour de table des participants, une experte des pôles territoriaux de coopération économiques (PTCE) est intervenue pour expliciter ce concept. A l’invitation de Sybille, nous nous sommes ensuite interrogés sur le pourquoi d’un PTCE Fabrique de communs numériques. L’occasion de revenir sur différents constats et de tenter de se frayer un chemin vers la réalisation concrète de ce que pourrait être une fabrique de communs numériques.
Présentation de quelques éléments de contextualisation sur cette fabrique avant de lister un certain nombre de questionnements évoqués lors de cet atelier ou qui ont fait suite à ce dernier.
Quelques éléments de contextualisation
Le logiciel Wezer a été développé par l’association Valeureux pour les besoins des acteurs de l’ESS(E) [économie sociale et solidaire écologique]. Malgré un vif intérêt de certains de ses acteurs, Valeureux en l’absence de soutiens financiers pérennes & d’une communauté agissante s’est progressivement épuisée et a dû se remettre en question.
Parallèlement, le gérant d’InfoGnuEureka, contributeur régulier à différentes initiatives en faveur du libre et de l’open source dans le domaine de l’économie circulaire (1) a également constaté la difficulté de faire utiliser des logiciels libres à des acteurs de l’économie sociale et solidaire.
Par ailleurs, la plupart des participants à cet atelier avaient une longue expérience militante dans les logiciels libres et ont pu faire part de leur retour sur la dimension économique du libre.
Le message véhiculé sur le lourd prix que payent en fait les acteurs de l’ESSE utilisant des logiciels « gratuits » proposés par des startups ou des multinationales (2) ne passe pas. En effet, devant le gain d’efficacité de certains outils, parfois dû à une habile couche marketing ou à une ergonomie plus poussée que pour des logiciels libres, une très grande majorité de personnes se laisse séduire par le gratuit. Ceci sape les efforts en faveur de logiciels plus sûrs, plus durables, plus communautaires, plus respectueux des libertés individuelles et de manière générale plus fiables.
Dès lors deux possibilités. Soit on prend acte et on renonce à porter un message sur les dangers du « gratuit ». Soit, on s’organise et on relève le défit de constituer une offre simple, efficace et financièrement pas trop onéreuse d’accompagnement vers les logiciels libres. D’une part en suivant notamment le chemin tracé par Framasoft en valorisant certains logiciels libres ou en organisant les développements de logiciels nécessaires mais pas encore disponibles. Et d’autre part, en développement la médiation numérique à destination des associatifs, petits commerçants & entrepreneurs.
Le projet de fabrique de communs numériques s’inscrit dans la 2nde possibilité. Quelles questions se poser dès maintenant pour éviter plus tard le plus d’écueils ?
Maïeutique pour forger une fabrique de communs numériques
- Pourquoi produire du commun numérique ?
- Une fabrique pour qui et pourquoi ?
- Quelles fonctions ou objet pour cette fabrique ?
- La fabrique, une fin ou un moyen ?
- Quelles missions précises dévolues au « PTCE FabCom » ?
- Quelle forme juridique pour cette future fabrique ?
- Faut-il passer par une association de préfiguration ?
- Créer une structure ad hoc ou réutiliser/réemployer une structure existante ?
- Quelle zone géographique couverte par ce « PTCE FabCom » ?
- Quel territoire numérique pour coproduire cette fabrique ? Ex. logiciels utilisés, nom de domaine, infrastructure, hébergement…
- Faut-il, notamment pour des raisons de crédibilité, décider de n’utiliser dès le départ que des logiciels libres ou open source ?
- Quel périmètre pour cette fabrique de communs numériques ? (Uniquement les logiciels ou également le matériel?)
- Quelles valeurs partagées ? Ex. bienveillance, libre, transparence, gouvernance…
- Quelles stratégies d’alliance & de positionnement vis à vis d’autres acteurs intervenants dans le libre et/ou l’ESSE ?
- La « FabCom », un futur acteur monopolistique ?
- Un futur modèle de reproduction par franchise ?
- Une structuration d’un outil phare de la fabrique à partir d’un ERP lui même basé sur Wezer ?
- Quels domaines d’activité représentés ? (ressourcerie, e-conciergerie, fablab, co-working)
- Quel budget consacré à cette initiative ? (temps, argent, ressources)
- Après création de la structure de fabrique de communs numérique, quelles ressources pérennes de financement ?
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Les échanges ont été très instructifs & intéressants grâce notamment à une mixité des intervenants (élu municipal, représentant d’un député, entreprises (Scic, EURL), association, fondation) et à la richesse de leurs différents parcours. L’enjeu est maintenant, à partir des constats et attentes des uns et des autres, de se mettre en route, trouver les financements ad hoc et jouer la carte de la synergie avec tous les acteurs qui ont déjà été identifiés ainsi qu’avec ceux qui se joindront à cette initiative en chemin.
Pour ne pas perdre énergie et enthousiasme dès le début, il nous semble qu’il vaudrait mieux privilégier le renforcement de Valeureux plutôt que de créer une structure ad hoc. Au besoin, en modifiant collectivement certaines dispositions des statuts de Valeureux pour, si nécessaire, une refondation de cette association, porteuse officielle de cette future fabrique des communs numériques.
Pour éviter les sorties de routes, au moins deux bons conseils ont – à notre avis – dors et déjà donnés par deux des participants. S’interroger sur le pourquoi les autres [Quels sont-ils?] n’y sont jamais arrivés ? Veiller à beaucoup de convivialité et moins de virtuel ! Nous en rajoutons un 3e. Fédérer plutôt qu’essayer de ré-inventer la roue. 😉
Le 2 mai 2016
Mise à jour le 3 août 2016
Cyril Desmidt
(1) Quelques initiatives en faveur du libre et de l’open source dans le domaine de l’économie circulaire d’IGE :
- Contributions à la programmation de la Rockette libre dans les locaux de la ressourcerie de la Petite Rockette initiée par une association libriste proche d’ubuntu.fr .
- Co-initiation d’un écosystème constitué d’associations en agriculture urbaine et communiquant grâce à un système d’information basé sur des logiciels libres.
- Participations occasionnelles au réseau francophone des communs.
- Accompagnement d’une association qui porte un projet d‘écosystème de valorisation de déchets produit par les brasseries artisanales d’Ile de France en privilégiant pour le travail en réseau & le partage les logiciels libres.
- Participation à la promotion de Wikidata, projet frère de Wikipédia porté par Wikimédia France.
(2) Des multinationales souvent basées à l’étranger dans des paradis fiscaux tirant leurs ressources de l’agrégation de données fournies gratuitement puis « réappropriées » par ces entreprises.