Durant la même semaine que le salon des entrepreneurs, c’est le sujet « l’entreprenariat libre : retours d’expériences de Wezer » qui avait été programmé le 5 février 2016 à la ressourcerie de la Petite Rockette. Les échanges se sont déroulés à la Trockette, café associatif & haut-lieu de l’économie sociale et solidaire parisienne.
L’occasion de rencontrer Julien, un entrepreneur engagé dans de nombreux projets porteurs de sens (1). Ancien consultant repenti, il est membre de l’association Valeureux qui porte le projet Wezer. Une parfaite illustration de l’entreprenariat libre !
Retour sur un atelier d’intelligence collective autour de cette notion d’entreprenariat libre et présentation rapide de Wezer.
L’entreprenariat libre ?
Deux mots accolés l’un à l’autre que les participants de cette rockette libre ont tenté de mieux cernés par des discussions passionnantes et des échanges fournis dont nous ne reprendrons, dans cet article, que des bribes, après que quelques jours se soient passés. Deux pistes de réflexion. C’est quoi une entreprise libre ? Existe-t-il un modèle économique du libre ?
Nous renvoyons à un certain nombre d’articles publiés ici 😉 et à la littérature internationale ou nationale abondante sur le concept de libre (1).
Caractéristiques de l’entreprise libre ?
Une entreprise, c’est d’abord la mise en œuvre sur le terrain d’une idée en se donnant (ou pas) les moyens financiers &/ou humains pour la réaliser. Il semble qu’une des caractéristiques de cette « entreprenariat libre » soit avant tout liée à l’apport humain plutôt qu’à celui du capital. Un manque est détecté, un besoin se fait sentir et une structure informelle surgit. Une personne isolée avec des « convictions libristes » autour du partage & du mieux vivre, ou un groupe d’amis qui se disent : « et si, après le y’a ka faut kon » on faisait un truc ! La structuration autour de « détails » pratiques va progressivement se faire avant d’arriver à une certaine maturité (2).
Se posera alors la question, d’une part de la réciprocité dans la mise en œuvre du projet libre (et) d’utilité sociale. Souvent sollicité par des associatifs désargentés ou des porteurs de projets sans le sous, faudra-t-il décider d’aider – et pour cela éventuellement tordre le projet initial – ou décliner l’invitation à « contribuer » sans in fine parfois une réciprocité a minima « équivalente » de celle apportée ?
D’autre part, lorsque l’activité/l’entreprise libriste lancée constituera une part importante du temps de l’entrepreneur, arrivera inévitablement la problématique du financement. Faudra-t-il vendre une partie de son indépendance, de sa … liberté pour poursuivre son entreprise ?
Existe-t-il un modèle économique du libre ?
Pour l’un des participants, la réponse était positive. Il serait basé soit sur la mutualisation d’un développement payé puis mis à disposition de tous, soit sur la « libération » de développement après abandon du projet ou élargissement de la base des contributeurs. Dernière possibilité, l’existence de revenus principaux permettant une contribution annexe au projet libre. La fameuse contribution « pour le fun » qui peut aussi relever d’un intérêt et/ou d’un désir d’être reconnu par ses pairs.
Ces éléments de réflexions ont progressivement émergées de la présentation par Julien (Valeureux) du projet Wezer.
Qu’est-ce que Wezer ?
« Wezer est une plateforme open source qui assemble les meilleurs outils de collaboration et de gestion, usuellement fragmentés, dans un environnement unique où ils seront mieux intégrés, plus efficients et plus facile à utiliser.» « C’est un dispositif pour dynamiser la coopération ! » https://www.wezer.org/fr_FR/
Les participants ont profité de la présentation de chacun de ses 4 modules pour s’interroger sur certains aspects.
Sur le module de gestion.
Ce module est une implémentation du progiciel intégré de gestion Odoo. Est-ce une bonne idée de partir de la culture d’entreprise pour proposer aux associations des « outils adaptés » de gestion comptable ? N’y a-t-il pas un risque de transformer une association en entreprise capitalistique ?
Sur la place des marchés
Une création originale de Valeureux mais y-a-t-il emprunt à des logiciels existants ? Quelle articulation entre ce module et le fonctionnement de banques de temps ?
Sur la gestion de projet
Quels sont les équivalents des logiciels propriétaires d’organisation du travail à plusieurs à distance ?
Sur la gouvernance de l’entreprise.
Le module sur lequel il reste le plus de chose à faire. En « concurrence » avec des plate-formes de démocratie locale qui semblent fleurir ces derniers temps. La diversité n’est-elle pas aussi une source de difficultés pour regrouper suffisamment de contributeurs afin de « garantir » une certaine pérennité au projet ? Dans un autre ordre d’idée, la mutualisation et l’optimisation de codes ne risque-t-elles pas d’aboutir à une forme d’uniformisation préjudiciable à la diversité ? La connaissance « du monde de la culture libre » semblerait plutôt invalider cette hypothèse.
Des discussions se sont aussi engagées sur l’adhocratie (ou dooacratie pour les plus geeks) renvoyant à la réciprocité, aux licences globales (3)…
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Nous nous sommes quitter sur une dernière question, laisser pour partie en suspens. Comment contribuer à Wezer ? Le sujet d’un prochain atelier ? 😉
Sachant qu’un projet a aussi besoin de lieu physique ou se réunir, nous avons proposé à Valeureux un créneau régulier dans le cadre de la programmation de la rockette libre. L’union faisant la force, nous n’avons pas manqué de proposer de mener de concert certains projets (4) ensemble pour lesquels il y avait des espoirs de financements et en tous les cas une réciprocité avérée car des intérêts communs !
Enfin, cette réunion d’entrepreneurs libristes a aussi été l’occasion de nouvelles rencontres entre entrepreneurs libristes et sociaux. Un premier pas indispensable à de futures collaborations voire mutualisations ?
(1) Projets sans doute porteur de sens mais, loin d’être payés à la hauteur des rémunérations mirifiques de startupers à succès. Un modèle véhiculé par les mass média et qui ne prends pas en compte la précarité d’entrepreneurs sociaux qui n’ont pour ambition « que » de vivre de leurs activités tout en produisant de « la valeur » sociale et oeuvrant à l’intérêt général.
(2) Nous mentionnerons juste que nous n’avons pas manqué de nous interroger sur les concepts de libre, d’open source et de gratuité.
(3) Souvent, en utilisant beaucoup plus de temps qu’initialement envisagé !
(4) Voir notamment l’intervention de Calimaq lors d’une table ronde organisée au Numa lors d’un pas sage en seine en 2014.
(5) Notamment un projet lié au monde de la bière. Un clin d’œil amusant à l’expression de R. Stallmann, initiateur du mouvement des logiciels libres qui lorsqu’on évoque la notion de gratuité (free en anglais) renvoie aux expressions « free speech » plutôt que de « free beer ».
Le 11/02/2016,
Cyril Desmidt