Nudge ou la voie du paternalisme libertaire !

Nudge ? Les auteurs de ce livre(1) R. Thaler & C. Sunstein avaient pris la précaution dès le sous-titre de leur ouvrage consacré au « Nudge » d’expliciter cette notion : « La méthode douce pour inspirer la bonne décision ».
Nudge prend tout son sens dans le cadre de l’accompagnement au changement. C’est lors de l’événement « l’open innovation de l’administration  » que nous avions rencontré pour la première fois ce terme.
Pour illustrer le concept, les auteurs prennent l’exemple de l’aéroport de Schiphol. Une mouche, dessinée au fond de chaque urinoir des toilettes des hommes, a permis une amélioration notable de la propreté des lieux ! (pp. 3-4) Simple, mais … efficace.

Synthèse rapide de leur livre à partir de citations choisies autour de 3 axes : les mécanismes de la psyché, l’architecte et l’architecture du choix, le paternalisme libertaire.

Les mécanismes de la psyché et les biais cognitifs

Pour introduire leur sujet, les auteurs renvoient à l’existence de deux sortes de pensée. « [De nombreux psychologues et neuroscientifiques] distinguent deux sortes de pensée : l’une est intuitive et automatique, l’autre réflexive et rationnelle. » […] « On pourrait considérer le système automatique comme relevant de la réaction instinctive & assimiler le système réflectif à la pensée consciente. » p. 21-23
Une croyance largement partagée veut que ce soit le réflectif qui l’emporte sur l’instinctif. Or, un certain nombre d’études ont démontré l’inverse.
« L’hypothèse erronée consiste à postuler que nous prenons presque tous, presque tout le temps, des décisions conformes à nos intérêts ou, au moins, meilleurs que celles qui seraient prises en notre nom par quelqu’un d’autre. » « Les écônes ne prennent jamais de décision importante sans en vérifier le bien-fondé en faisant appel à leur système réflectif (s’ils en ont le temps). Mais les simples mortels optent parfois par la réponse que leur souffle le lézard tapi dans le fond de leur boîte crânienne, sans prendre le temps de réfléchir. » p 24

Les surhommes (désignés par le terme « écône ») n’existent pas. Chacun d’entre nous « souffre » d’un certain nombre de biais cognitifs liés :

  • aux mécanismes de la pensée (système automatique / système réflectif),
  • aux règles empiriques,
  • à un excès de confiance,
  • au phénomène d’aversion des risques,
  • au statut quo,
  • à la manière de présenter les choses.

Connaissant ces biais, il est possible de mettre en place des stratégies pour pousser vers « le bon choix ». C’est l’architecture du choix mis en oeuvre par l’architecte du choix.

L’architecte & l’architecture du choix

C’est « la personne à qui il appartient d’organiser le contexte dans lequel les gens prennent leurs décisions ». p. 3
Quelques autres citations permettent de comprendre son rôle. « Aucun plan n’est jamais neutre. » « De petits détails, apparemment insignifiants, peuvent avoir un impact énorme sur le comportement des gens. D’une manière générale, il faut partir du principe que « tout compte ». […] « ces petits détails tirent leur efficacité du fait qu’ils attirent l’attention des utilisateurs dans une direction bien précise. » p. 86. « Certains détails des situations sociales apparemment mineurs peuvent avoir des effets importants sur le comportement des individus ; il y a des nudges partout, même si nous ne les voyons pas. L’architecture des choix, qu’elle soit soit bonne ou mauvaise est omniprésente et inévitable ; en outre, elle affecte grandement nos décisions. » p. 243.

Conscient des dérives possibles, les auteurs resserrent la définition initialement proposée dans le sous-titre de leur ouvrage des nudges et renvoient vers  « tout aspect de l’architecture de choix qui modifie de façon prévisible le comportement des gens sans interdire aucune option ou modifier de façon significative les incitations financières. »
Voici quelques exemples de pratique d’architecture du choix :

  • des options par défaut facilitant la tendance au moindre effort,
  • l’anticipation des erreurs,
  • des dispositifs permettant des retours d’information,
  • existence de repères,
  • structuration des choix complexes,
  • mise en place d’incitations.

Enfin, les auteurs consacrent quelques développements à une justification de la méthode nudge & de l’architecture du choix.

Le paternalisme libertaire

« L’aspect paternaliste de notre concept résulte de la conviction qu’il est légitime d’influencer, comme tentent de le faire les architectes du choix, le comportement des gens afin de les aider à vivre plus longtemps, mieux et en meilleure santé. Autrement dit, nous souhaitons que les institutions publiques et privées s’efforcent délibérément d’aiguillonner les individus vers des décisions susceptibles d’aiguillonner les individus vers des décisions susceptibles d’améliorer leur qualité de vie. » p. 5

« L’expression « paternalisme libertaire » ne comporte pas d’ambiguïté dans les termes. Les architectes du choix peuvent préserver la liberté des individus tout en orientant des directions susceptibles d’améliorer leur vie quotidienne. » p. 243

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(1). Les paginations renvoient à l’édition 2010 de Nudge : la méthode douce pour inspirer la bonne décision / Richard Thaler, Cass Sunstein ; traduit de l’américain par Marie-France Pavillet

Mise à jour au 04/09/2017
Par Cyril Desmidt

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