La confiance numérique ?

Confiance numérique

Le 16 juin 2014 se sont tenues les Assises de la confiance numérique au Ministère des finances. Elles étaient organisées par la FNTC (Fédération Nationale des Tiers de Confiance) et placées sous le patronage d’Axelle Lemaire, Secrétaire d’Etat chargée du numérique auprès du ministre de l’Economie, du Redressement productif et du numérique.
L’objectif affiché de la journée et explicité dans le guide des assises de la confiance numérique était de décrypter : « les principales ruptures et transformations en cours », « les principaux enjeux et défis », « les opportunités et les risques », « les forces et les faiblesses de la France et de nos entreprises » .
Pourquoi des assises sur la confiance numérique ? Quel contenu ? Qu’en penser après coup au regard de l’absence de certaines thématiques?

La définition de la confiance a été rappelée à deux reprises.
Elle est à la base des relations humaines qu’elles soient marchandes (le commerce et les affaires en général) ou non marchandes. Qu’elle disparaisse et les conséquences peuvent être graves…

1. De bonnes raisons pour mettre en place les Assises sur la confiance numérique ?

_ Les révélations faîtes par Edward Snowden à la presse en juin 2013 ne sont sans doute pas pour rien dans la tenue de ces assises sur la confiance numérique. Le grand public découvrait que l’ensemble des communications (numériques ou pas) mondiales étaient surveillées par la NSA et que les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) – comme l’ensemble des entreprises américaines du numérique – étaient susceptibles de fournir les données (personnelles) de tous leurs utilisateurs à travers le monde au gouvernement américain.
_ A l’espionnage des populations par les Etats [les américains ne sont pas les seuls….] s’ajoute la vente de données personnelles à des fins de profilage par les entreprises privées (devenues ou nativement) numériques. Des données qui agglomérées dans le « big data » et traitées automatiquement peuvent engendrer de graves atteintes à nos vies jusqu’alors privées.
_ N’oublions pas non plus, les arnaques en tout genre dans le commerce électronique ou les failles de sécurité dont on a pu entendre parler et ayant entraîné la récupération de millions de numéros de cartes bleues, de mots de passe et de correspondances privées parfois chiffrées.
_ Enfin, vu le contexte économique, financier, social, politique …. et environnemental on comprend que la confiance des populations et/ou des consommateurs ait été quelque peu érodée ces dernières années !
S’il n’a pas été question aussi explicitement lors de ces assises des raisons de leur tenues, il nous a néanmoins semblé important de mettre en perspectives les possibles raisons de cette journée avec son contenu.

2. Quel contenu débattu lors des assises ?

Les organisateurs ont dû s’adapter à une grève de trains, une alerte nécessitant pendant un temps l’évacuation de la salle, le passage impromptu du ministre des Finances et des Comptes publics et à l’agenda chargé de la secrétaire d’Etat clôturant cette journée. Plus d’une quarantaine de personnes se sont soit seule soit dans le cadre de tables rondes succédées pour exprimer leurs points de vue. L’ensemble des échanges ayant été filmés, nul doute qu’ils seront prochainement accessibles. Quelques autres comptes rendus de la journée, comme celui-là, sont dors et déjà disponibles.
Nous nous intéresserons plus particulièrement aux interventions « disruptives » [le mot disruption a été utilisé par un ou plusieurs intervenants] s’éloignant du « consensuellisme » habituel, et, à ce qui nous a semblé être contradictoire dans les interventions.

Les dis-rupteurs

Gilles Bobinet, ancien président du Conseil National du Numérique, « digital champion 2012 » a ouvert la journée en prenant de la hauteur par rapport au sujet proprement économique du ecommerce qui a souvent été au cœur des interventions.
Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de la Cnil et du G29 a proposé une typologie assez structurante de la confiance autour de la sécurité, la transparence et la coopération.
Olivier Piou, président de Gemalto n’a pas eu « la langue dans sa poche ». Pour lui, nous avons de 12 à 15 mois pour proposer une solution pragmatique au reste du monde sur la gestion des données personnelles avant que les « ricains » s’en chargent. Arrêtons les discours et les belles théories et proposons du concret !
Geoffroy Roux de Bezieux, Vice-président délégué du Medef, président du pôle économie, fiscalité, innovation et numérique a rappelé que notre tissu économique est majoritairement constitué de TPE et PME. Or, elles ne disposent pas d’une culture numérique voire même pas toujours d’outils informatiques !
Axelle Lemaire n’a pas hésité à employer le mot « hacker » et a fait un discours ambitieux pour la place de l’innovation et du numérique en France.

Les contradictions

_ En début de matinée un des intervenants tentait, par les statistiques, de démontrer que les français avaient confiance dans le numérique. Taux d’équipements de plus de 90% d’ordinateurs (bureau, portable, téléphone mobile). Augmentation constante du chiffre d’affaire du e-commerce et plébiscite des démarches en ligne avec l’administration. Cependant, même s’il utilise le numérique pour son côté pratique, le français moyen, reste méfiant quant à la gestion de ses données personnelles et aux arnaques sur Internet.
_ Quelques intervenants ont invité les entrepreneurs français à trouver leur(s) propres(s) modèle(s). Pourtant, l’utilisation de termes anglophones a été une constante. L’un des intervenants est même allé jusqu’à, parfois, aligner des termes anglais sans utiliser de verbes dans ses phrases et donner [me faisait remarquer mon voisin de table] ainsi l’impression d’un charabia.
_ L’expression « chasser en meute » a été employée par plusieurs intervenants mais, lors de la présentation d’une des solutions d’un intervenant, il nous a bien semblé que ce dernier avait été mis en difficulté par son partenaire à l’occasion d’une question [intéressante de notre point de vue mais à laquelle manifestement ce dernier n’avait pas été préparé…]. Il a d’ailleurs, plus tard, été question d’éviter « plusieurs chefs de meute »…

3. Ce qui n’a pas été abordé ?

_ Si le mot innovation a été usé jusqu’à la corde, les mots libre et/ou open source – gage pourtant de transparence – semblent avoir été bannis. Il reste encore bien du chemin à parcourir. Comme le disent nos amis de Framasoft, « la route est longue, mais la voie est libre… »
_ Les assises étaient organisées par les tiers de confiance, aussi n’est-il pas anormal que le rôle même des tiers n’ait pas été remis en cause lors de cette journée. Pourtant, dans un monde globalisé où les longues chaînes de responsabilité et de traçabilité sont parfois/souvent rompues, ne peut-il être pertinent de passer par un circuit court sans intermédiaire et transparent ?
Sur la question de la transparence, nous recommandons l’intervention de S. Bortzmeyer lors de son intervention « Tous à Poil !« à Pas sage en Seine.
_ Autre oubli, il ne fut pas question de la transition énergétique incluse dans celle plus vaste de la transition écologique. Nulle évocation du concept dit du « pic pétrolier » dans les différents discours. Mettre en avant le numérique, c’est oublier que le vrai pétrole ce n’est pas de la donnée mais de l’énergie ! Or, la multiplication des terminaux (ordinateurs, tablettes, mobiles, objets connectés) même si la consommation d’énergie par équipement baisse entraînera, via l’effet rebond, une hausse de la consommation énergétique et des matières premières utilisées…

En conclusion, avoir confiance dans le numérique ? Peut-être mais, cela n’empêche pas d’être vigilant et d’essayer de comprendre tenants et aboutissants. « Science sans conscience, n’est que ruine de l’âme. » nous rappelait une intervenante citant Rabelais.
Notre opinion, c’est que faire confiance au numérique lorsqu’on a une véritable culture numérique n’est pas chose aisée. Une question (à 1:13:54) à l’occasion de cette conférence portait précisément sur la confiance et nous vous invitons à entendre la réponse.
L’ignorance est source de béatitude mais aussi de risques majeures pour la sécurité et la pérennité des entreprises. Pour les particuliers, c’est aussi un risque important d’atteinte à sa vie privée qui est, aux dires notamment de J.M Manach, la première des libertés car c’est sur elle que repose toutes les autres.
InfoGnuEureka peut, tant pour les entreprises que les particuliers :

  • proposer cette culture numérique évoquée à plusieurs reprises lors de la journée,
  • donner quelques clés pour maîtriser son information à l’ère numérique et de la transition écologique !

le 19/06/2014
Mis à jour au 9/07/2014
CD