Réemployer de vieux smartphones ?

En 2019, IGE – Bureau d’études en innovation sociale – fut contacté par la Koncepterie qui souhaitait répondre à la demande d’une grande entreprise. Cette dernière désirait pour ses collaborateurs proposer une activité de réparation de smartphones au bénéfice de structures de l’ESS. En réunissant les ressources nécessaires et mobilisant tout un écosystème, le premier événement dit « repairathon de smartphones » fut un succès. Il fut suivi par d’autres jusqu’à la crise de la Covid-19. Ces expériences réussies purent alors évoluer vers des expérimentations multi-partenariales visant à développer, en commun à une échelle industrielle, le réemploi de vieux (>5 ans) smartphones.

Trois questions nous guiderons pour traiter la problématique de la réemployabilité des vieux smartphones.

1. Est-ce souhaitable ?

Des milliards de smartphones ont été produits depuis 2007. Il y aurait dans le monde plus de smartphones que de brosses à dents !
Dans cette vidéo (18’12), Agnès Crepet (Fairphone) évoque le fait que 5 milliards de smartphones deviendront des déchets en 2022.

Important contributeur au réchauffement climatique (l’équivalent actuellement de l’empreinte carbone du secteur de l’aérien civil), le numérique génère également des pollutions (=dégradation de l’environnement à travers notamment l’extraction des minerais).
S’ajoute aussi des enjeux sociaux : filets de sécurité mis en place dans certaines usines de fabrication d’équipements informatique pour éviter les suicides – exploitation des minerais dit « du sang » en RDC…
Des impacts majeurs alors que selon l’ADEME, la durée de vie moyenne d’un smartphone serait de… 2 ans. Et que 80% de l’empreinte environnementale du smartphone intervient au moment de sa fabrication.
La première mesure de sobriété numérique est de faire durer le plus longtemps possible ses équipements électroniques (voir rapports du collectif GreenIT et du Shift Project).
Donc, oui, aux vues de ces éléments – et d’autres qu’il aurait été trop long d’énumérer – il nous paraît souhaitable de prendre le chemin de l’allongement de la durée de vie des smartphones.
Mais, dans un monde encore largement marqué par l’économie capitaliste linéaire – extraction des matières premières, transformation en produits pour les vendre, consommation et stockage/destruction – est-ce possible ?

2. Est-ce possible ?

Faire durée plus longtemps, c’est vendre moins de produits… Moins de ventes, moins d’emplois ?
Si les producteurs et vendeurs de smartphones ont tout intérêt à ce que le smartphone ait une durée de vie limitée, l’utilisateur (en l’occurrence en grande majorité un consommateur, c’est à dire … celui qui consume) devrait vouloir/pouvoir conserver le plus longtemps possible son équipement. Or, … ce n’est pas le cas.

2.1 Quels verrous ?

Le projet SLocS s’intéresse aux usages des utilisateurs et promeut l’économie de fonctionnalité. Nous sommes incités à changer de smartphones par une combinaison de stratégies.
Par ailleurs, la technique n’est pas sans incidence sur le prolongement de la vie des smartphones. Les logiciels libres ont fait la preuve de leur utilité et efficacité. ExPWA repose sur eux !

2.1.1. Les usages

La publicité tente de nous persuader, que nous avons besoin de toujours plus et de meilleurs produits. (Obsolescence marketing.)
Un smartphone est aussi un marqueur social. Ne pas avoir le dernier modèle, c’est ne pas être « à la page » ou afficher un statut social moindre. (Obsolescence culturelle.)
Lorsqu’on ajoute que l’obsolescence logiciel réduit nos usages… Plus d’accès au store d’applications, cela peut signifier ne plus avoir accès à son compte bancaire ou à son application de réseau social favorite. (Obsolescence logicielle.)
Enfin, un vieux produit, c’est aussi un risque accru de pannes et des pièces détachées plus difficilement accessibles. (Obsolescence matérielle.)
L’association HOP les a résumé ici.

2.1.2 La technique

Il existe pour certains modèles des alternatives aux androids installés par les fabricants. Les installer permet de lutter contre l’obsolescence logicielle. Mais, les ateliers de changement d’OS organisés par Electrocycle avec le soutien d’autres libristes nous montre que cela peut être compliquer – lorsqu’un Recovery et une ROM existent – de changer le système d’exploitation du smartphones.
L’installeur /e/ apporte des éléments de réponses à une automatisation partielle mais l’industrialisation nécessite de creuser dans d’autres directions comme la gestion de parc et l’identification de verrous technologiques avec le soutien de chercheurs en informatique.
Fairness – pour le pôle de coopération Vertige – porteur du projet ExPWA financé, en partie par l’ADEME, investigue aussi les Progressive Web Application (PWA). Elles pallieraient pour partie la disparition de l’accès aux stores d’applications.
Des pistes qui peuvent permettre techniquement de prolonger certaines fonctionnalités des vieux smartphones mais pas de lutter contre la disparition annoncées de l’infrastructure de télécommunication de la 2G et la 3G.

2.2 Quel contexte ?

SLOCS expérimentation sur les usages – en partenariat avec le lycée pro d’Aubervilliers, l’université Sorbonne Paris Nord et l’association Electrocycle – est un moyen de prototyper un service technique pédagogique au sein d’un lycée professionnel qui assurerait la maintenance de flottes de vieux équipements en synergie avec un service de gestion et de cession et d’une antenne « éducative » – déjà existante ou à créer dans un tiers lieu – dîte de médiation socio-éducative à la fois écologique et numérique pour accompagner les changements de comportements.
ExPWA viendrait outiller SLOCS et élargir le service numérique éco-conçus à d’autres publics cibles.
Face à des smartphones qui n’ont plus, que peu de valeur marchande, c’est l’apprentissage – par le faire pour inventorier puis diagnostiquer pour, soit réparer soit démanteler, soit mettre de coter pour organiser des réparathons au sein du lycée (voire à terme reprendre dans des entreprises comme ce fut le cas initialement) – qui serait privilégiée. Les smartphones ainsi réparés rejoignant soit le dispositif de location auprès de partenaires du territoire soit céder à différents publics.

3. Est-ce viable ?

C’est tout l’objet de l’axe étude de faisabilité du projet ExPWA qui comprend un lot dédié au modèle économique et conduit par World of Sales.

3.1 A quelles conditions ?

Les conditions de l’expérimentation SLOCS sont actuellement les suivantes :
1. Utiliser les logiciels libres
2. Se placer sous un régime de commun
3. Disposer de tutoriels open source sur la réparation
4. Vendre un service plus qu’un bien
5. Aborder la problématique avec un axe éducation-formation à travers la médiation tant écologique que numérique
6. Rendre désirable !

3.2 Avec quel modèle économique ?

Quelques pistes à l’étude dans le cadre du projet ExPWA… Si souhait de plus de détails, contacter directement World of Sales !

Pour rappel, le point de départ de SLOCS a été la vente auprès d’entreprises pour leurs collaborateurs d’une prestation événementielle dite « d’expérience repairathon ».
Elle a évolué vers une formule d’activité mixte au sein d’un lycée professionnel mêlant lycéens et collaborateurs.
Si vous souhaitez la découvrir, contactez-nous, cela servira à compléter les financement SLocs-ExPWA. 🙂

Le 3/03/2023
Cyril Desmidt

2 Commentaires

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